14/05/2025
Depuis toute petite j’entends tout et son contraire sur ce qui se passe sur le territoire israélo palestinien.
En 2015 j’ai pris un sac à dos et je suis allée un mois et demi en Palestine et j’ai aussi passé du temps en Israël.
Ce que je peux dire de mon expérience n’est en rien une analyse, juste des faits même si j’ai un avis bien sûr.
D’abord j’ai subi un interrogatoire de 20:30 à 00:30 à mon arrivée à Tel Aviv. J’ai été interrogée en anglais, et j’ai dû expliquer pourquoi une arabe vient en Israël alors qu’il y’a pleins de pays arabes.
J’ai dû dire si oui ou non mes parents étaient musulmans.
J’ai été avertie de l’interdiction d’aller en Cisjordanie mais en même temps on me demandait si j’irais dans telle ou telle ville, et quand je répondais oui on me disait "mais c’est la Cisjordanie !"
"Ah et qu’est-ce que la Cisjordanie, ce sont les territoires occupés ?
Ai je le droit d’y aller? n’y a t’il pas des israéliens là bas?"
"si si il y en a"
"Alors je peux ou non ?"
"Oui mais pas en Cisjordanie"
C’était comme dans le procès de Kafka.
J’ai discuté avec des israéliens qui ont fait l'Aliyah, récemment arrivés de France, de Belgique, de Suisse, et ceux là ne connaissent pas la Palestine ils ne côtoient pas d’arabes chrétiens ou musulmans ils sont venus pour vivre sur la terre qu’on leur décrit comme promise.
Il y a parfois 3 stations de tramway qui les séparent des quartiers arabes mais ils n’y sont jamais allés.
J’ai été surprise de voir qu’eux-mêmes ne savaient pas ce qu’il se passait pour les israéliens arabes notamment à Jérusalem.
Je leur ai expliqué certaines des règles auxquels les palestiniens étaient soumis, et dans leurs yeux j’ai vu qu’ils ne savaient pas.
J’ai assisté et participé à des manifestations pour la liberté des palestiniens, avec des femmes israéliennes juives ou non, et je les ai vu se prendre des canettes vides sur la tête, se faire insulter de traitres. C’était à Haïfa.
J’ai vu aussi des colons dans la ville d’Hebron à l’époque. 1500 soldats pour 500 colons.
Ils jetaient leurs déchets sur les maisons palestiennes, c'était la provocation en permanence.
Le marché est couvert de grillage car au dessus les soldats braquent leurs armes constamment sur la population, qui est terrorisée et se sent rabaissée.
J’ai été interdite de traverser une rue interdite aux arabes, mon passeport français ne suffisait pas.
"En France tu es une Française mais ici tu as une tête d’arabe" furent les mots d’une soldat israélienne d’à peine 20 ans…
J’ai pris un bus pour aller à Nazareth la veille de Youm Kippour.
Nous étions quelques étrangers au milieu d’une centaine de jeunes ados entre 16 et 21 ans tous armés, en tenue civile, avec des shorts t-shirts robe. Arme simple ou mitraillette dans le dos, ils rentraient simplement chez eux pour Youm Kippour.
J’ai passé 3h à flipper que l’un d’entre eux s’amuse avec son arme ou pète les plombs.
Un jour pour aller à Ramallah, nous avons été arrêtés dans un bus à un check point, on nous a ordonné de faire demi tour, car ils avaient décidé de ne pas laisser passer le bus palestinien, comme ça, sans raison.
Nous avons dû traverser une carrière de pierres, et j’ai cru tout le long que le bus allait tomber dans le ravin.
3h30 de trajet supplémentaire parce que nous sommes arrivés quelques minutes après la mise en place du check point.
J’ai rencontré un père à Jericho qui m’a montré la photo de son fils de 9 ans qui jouait devant la maison. 11 ans après il ne sait toujours pas où il est. Il s’appelait Mounir.
J’ai vu des prêtres se faire cracher dessus par des colons venus de Russie, sans doute les plus virulents.
Ils ne connaissent rien de la culture arabe, et un mépris profond pour eux.
Ils ne pratiquent pas ou peu le judaisme et créent beaucoup de problèmes sur place.
J’ai vu des hommes être refoulés à l’entrée de la mosquée Al Aqsa, car trop jeunes, le lendemain trop vieux, le surlendemain pas d’hommes, le sursurlendemain seuls les plus de 65 ans.
La vie des Palestiniens est rythmée par des règles qui ne sont jamais les mêmes.
J’étais présente lors des attaques au couteau en 2015, la ville était sous tension, pas un Palestinien ne pouvait sortir sans subir une fouille un placage et une petite tarte gratuite quand le contrôle était fini.
Des faits comme cela j’en ai vu et constaté. J’en ai été témoin pendant un mois, pas un jour ou je n’ai pas constaté que les palestiniens n’ont aucun droit.
Gaza c’est l’enfer sur terre mais la Cisjordanie c’est juste moins pire car il ne meurent pas, ( ou plutôt pas massivement ) mais ils n’ont aucun droit.
Mon ami a 4 fils,qui sont respectivement avocat médecin architecte et ingénieur.
Aucun ne peut travailler car ils n’ont pas fait le service militaire et certaines fonctions sont conditionnés au service militaire.
Ils sont pourtant palestiniens de Jérusalem.
Sur place j’ai rencontré une allemande qui est venue assister au mariage de son amie, elle est arrivée 8 jours avant le jour J, puis dans une discussion, elle a dit à son amie qu’avant le mariage, elle ferait des visites dans le pays.
L’amie en question lui a interdit d’aller dans les territoires arabes, car selon elle ils les détestent.
Elles ont eu un échange difficile et l’amie a fini par lui dire tu ne viens pas à mon mariage si tu vas chez les arabes
Elle n’a pas assisté au mariage et a fini le séjour avec moi.
Elle m’a dit "je n’avais pas ou peu de connaissances de la situation ici, et maintenant si je dois avoir une cause à défendre dans ma vie ce sera celle des palestiniens.
Elle a quitté le pays avec cette idée, et n’a jamais reparlé à son amie.
J’ai rencontré aussi Mourad de Ramallah, nous nous parlons souvent, il décrit une vie encore plus difficile depuis le 7 octobre il me dit que c’est l’étape juste avant l’enfer de Gaza.
Je suis repartie de ce pays en pleurs, sans pouvoir sortir de chez moi pendant 15 jours à mon retour.
Je garde ces images en tête et je vois celle des massacres sur Instagram, sur X, et peu à la télé, et je n’y arrive pas.
Les juifs sont persécutés depuis toujours, l’histoire le prouve et la peur est justifiée mais la création de l’état d’israël s’est faite sur la peur d’une communauté.
Le gouvernement israélien manipule la population en jouant sur cette peur.
Il entretient le conflit avec le Hamas pour ne pas avoir à négocier avec le pouvoir Palestinien en place.
Il faut dissocier les juifs des sionistes, certains sont les deux c’est complexe et je n’ai pas les mots pour expliquer ma pensée, mais je suis sans aucun doute du côté des opprimés que je considère être les palestiniens.
Je suis anti sioniste mais certainement pas antisémite.
Je suis convaincue que les sionistes font tout pour maintenir la peur de la communauté israélienne sur place et la communauté juive dans le monde.
Certains juifs sont contre Israël, d’autres ont peur, et l’histoire leur donne raison, alors ils essaient de justifier ce qu’ils se passe.
Je ne sais pas comment finir ceci.
Simplement mon cœur est lourd depuis 2015 je ne cesse de penser aux palestiniens humiliés, asservis, quand ils ne sont pas kidnappés, battus ou massacrés.
Je suis rentrée et j’ai repris le cours de ma vie, difficilement au début et puis un peu moins avec les mois, même si je n’ai jamais oublié.
Mais depuis octobre 2023, nous avons plongé dans l’horreur, et ce qui fait le plus mal c’est de voir des hommes d'Etat vivre et diriger leurs pays sans essayer d'agir pour arrêter ça.
J’ai l’impression qu’il peut arriver le pire à certaines populations, et nous sommes nombreux à ne plus supporter tout cela.
J’ai les yeux qui piquent j’arrête là.